Ma vie d'artiste (par La gang à Basilius)

A quatorze ans, j'ai quitté ma province Bien décidé à enrichir ma vie Le cœur léger et la besace vide J'étais certain de conquérir Couronne Chez les marchands les plus chics, j'ai volé Une jaquette bleue à la mode de Quenelle Une rapière, un cheval, et quelques provisions Et j'ai tracé, tout droit vers l'horizon Je voyais déjà ma tête sur des affiches En dix fois plus gros, que n'importe qui, la prime s'étalait Je m'voyais déjà recherché et riche Donnant mes butins, à des pauvres hères, qui me vénéraient J'étais le plus grand des grands "donne ta tune" Faisant des rapines, si bonnes, que les riches ne l'étaient plus Je m'voyais déjà cherchant dans mes listes Ceux chez qui le soir, j'irais par faveur, leur prendre leur or Mes traits ont mûri bien sûr, sous mes déguisements Mais le cœur est là, la rapière précise, et j'ai du ressort Mes mains sont habiles, et mes doigts agiles Et j'ai des idées, j'connais plein d'métiers et j'y crois très fort Rien que sous mes fesses, de sentir une selle De voir devant moi, un riche marchand, j'ai le cœur battant On m'a pas aidé, mais j'ai eu d'la veine Mais avec le temps, j'suis moins sûr de moi quand je vole les gens Des jaquettes bleues, j'en ai porté cinq cents Et mes exploits, ne font rire que moi J'ai bien couru, sauté par les f'nêtres Pour me sauver, quand les choses n'allaient pas J'n'ai pas connu la grande vie facile Mais des nuits froides, à guetter tous les bruits Hors-la-loi, c'est pas ça, pas assez dans mon style Et j'ai changé, pour les cartes et les dés Je m'voyais déjà faire sauter la banque Entouré de belles, qui pour quelques pièces, feraient des merveilles Je m'voyais déjà contourner la chance Amassant des gains, à rendre jaloux, Ranald en personne Gagner calmement sans en avoir l'air Mille martingales, toutes les trich'ries, le Roy des tripots Et je m'suis lancé laissant la misère Un peu de dentelle, quelques belles manières, je m'suis fait tout beau J'ai eu de la chance, pourtant, gagné des sommes folles Plumé des bourgeois, trompé des croupiers, rencontré des dames Je suis devenu célèbre, voire indésirable A trop amasser, à trop dépenser, surtout pour les femmes Et j'ai eu ma tête sur des affiches En dix fois plus gros, que n'importe qui, la prime s'étalait Alors je m'suis dit : "t'en fais pas mon fils Avec tes talents y'a des trucs à faire pour la mère patrie !"