Tragédie

L'œil est livide, comme vidé de tout projet Le cœur aride, conditionné au rejet Bien que lucide, je ne suis que sujet Dans le suicide des masses qui jadis s'insurgeaient Atterré par la vacuité du réel Je m'acquitte des vérités les plus cruelles Pour inscrire mes ratures dans l'éternel Et pour ce faire, je m'isole Car trop souvent je désole Fin de la guerre, le rêve n'a plus ses chances Les persécutions d'hier ont eu raison de mes croyances A quoi bon rester sur cette terre si rien n'a d'importance Tant notre extinction n'aurait rien d'une tragédie Nul ne sait que faire quand plus rien n'a de sens Bienvenue dans cette nouvelle ère où plus personne ne pense Tant tout ce monde est tributaire de l'infernale cadence Un postulat qui nous condamne à l'insomnie L'espoir est mort le jour où je suis né Devant les corps détruits par cette idée Dont nos mentors, malgré eux, ont hérité Que la ruée vers l'or est encore d'actualité Quand nos ancêtres ont déjà tout pillé Plus rien ne reste aux véritables piliers D'un nid funeste dorénavant lapidé Au profit de savants Qui se jouent du vivant Le cynisme est mon seul allié Tant l'optimisme rend fou à lier Nulle prophétie ne peut pallier Notre inaliénable servilité Bien trop souvent sacralisé L'humain n'est qu'incapacité A la maîtrise d'une vérité Qu'il s'épuise à fuir dans l'autorité Fin de la guerre, le rêve n'a plus ses chances Les désillusions de naguère ont tué mon innocence A quoi bon rester sur cette terre si rien n'a d'importance Tant notre extinction n'aurait rien d'une tragédie Nos maîtres appellent à la natalité Quand la perdition de nos êtres n'est que fatalité Aucune tradition pour omettre que la fertilité Précipitera ce que l'on appelle tragédie En nombre, on obtempère Or l'apathie n'a rien de meilleur Que l'indolent repère De l'amnésie où cessent les frayeurs Anesthésiés par l'anhédonie, on se perd Dans des histoires où seul le passé est prospère Tout ce confort Et puis la mort Et puis plus personne pour commémorer nos corps Commémorer nos corps Commémorer nos corps Commémorer nos corps Nul n'échappe à la raison Une fois passée l'oraison Des émois et des saisons (Mirage d'une bien courte durée) Quiconque croit en l'accalmie Y risque à coup sûr la vie Extinction sans préavis (Virage à sec dans l'obscurité)